La Nature, entre Indouisme et Druidisme
DE L’OMBRE DE LA FORET DES CHÊNES VERS LA FRATERNITE UNIVERSELLE
Par /|\Y. Sukellos
Nombreux sont ceux qui ont pénétré en Brocéliande, sous l’ombrage bienfaisant de la Forêt des Chênes. Mais combien peu ont osé en revenir pour proclamer « Ar Gwyr eneb ar Bed » !
Le Vrai à la face du Monde !
Or, dans cette ombre propice, la « religion » des anciens Celtes, des Druides, poursuit son cheminement en préparant les voies à l’avènement de l’Universelle Fraternité.
Les travaux de Gérard SERBANESCO et ceux de Georges DUMEZIL entre autres, confirment d’une manière péremptoire l’existence d’un « Panthéon tripartite unique pour tous les peuples indo-européens ».
La « Pensée druidique » forma dans l’antiquité un « TOUT METAPHYSIQUE » qui couvrit la totalité de l’aire géographique entre Atlantique et Hindoustan.
Et la mythologie, sous des appellations diverses était semblable dans tout le monde indo-européen ; et seule l’évolution logique propre à chaque génie personnel des divers peuples donna naissance à des traditions particulières.
C’est ainsi qu’il est toujours possible de retrouver un élément de la pensée druidique dans l’une ou l’autre des données philosophiques du rameau védiste de l’Indouisme.
De même, dans la pensée religieuse traditionnelle celtique, nous percevons cette évolution, que ce soit dans le cycle irlandais de Leinster, le Livre des Conquêtes (le Bhar na Gabhala), les Triades galloises du Livre Noir de Carmarthen, celles du Livre Rouge d’Ergest, ou dans les Cycles du Graal d’Arthur du roman breton.
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En quoi consiste l’essentiel de cette pensée métaphysique ?
C’est un naturisme vivant, dynamique. La « divinité immanente n’est rien d’autre que la Nature, et elle seule. Dieux, hommes, animaux, végétaux, minéraux, ne sont que des fractions de la Nature », nous rappelle le Barde Kim Aréum.
Aussi, le « Druide » définit-il l’Homme « comme la somme la plus haute de perfection possible, d’intensité de Vie de la nature naturante. Il est la synthèse harmonique de tout ce qui vit et compose la Nature terrestre créée dans le temps et l’espace. »
Nous rejoignons en cela la grande préoccupation hindouiste et bouddhiste : le problème du SOI – la personne humaine s’identifiant à l’Univers. Ainsi, comprendre le SOI, c’est posséder la Clé de la connaissance du Tout ; l’Homme alors se divinise et devient objet d’amour parce que parcelle du Tout.
Au plus lointain des temps, déjà les Druides proclamaient « Aimez-vous les uns les autres, dans la Triade :
Trois plénitudes du Gwenved : (le monde blanc de l’Esprit)
Participer à chaque état de vie et avoir la plénitude de l’UN, co-gestation de chaque génie avec la Supériorité de l’UN, aimer tout vivant et toute vie, et aimer quelqu’UN par-dessus tout ; I.O.W., c’est-à dire Dieu.
C’est ce qui permet d’affirmer le prolongement de la pensée druidique par le christianisme primordial ; mais n’est-ce pas le même souffle de l’Esprit qui passe dans les formulations diverses ?...
Le Grand Druide Galiléen à cet effet ne rappelle-t-il pas que :
« La lettre tue, seul l’Esprit vivifie ».
Et il eut été inconcevable à un Druide antique, de même qu’à un Brahmane indou moderne, de dire que le Christianisme est une religion fausse parce qu’en contradiction avec la sienne. Ainsi est ouverte la voie à la notion de Pensée Métaphysique Unique au travers de la diversité des cultes.
Tout ce qui procède de Dieu unit les hommes, tout ce qui vient des hommes les divise, et comme le disent par exemple les écritures indiennes : « le Christianisme nouvelle école philosophique est une fleur nouvelle dans le jardin de Brahma. »
De cette pensée clé de la pensée druidique : « Nerzh, Skiant, Karantez », la Force, la Connaissance, l’Amour, indissociable et unique Triade Divine par excellence, découla la morale druidique.
Ainsi, dans le cycle de Leinster, Amergein, l’Homme par excellence, doit terrasser les « dieux » en leur opposant la Nature elle-même.
La Loi, pour les hommes sur Terre, devient alors la loi absolue de perfection ayant pour objectif de les amener « à marcher eux-mêmes et sans aide, ou grâce supérieure vers l’état de perfection des origines ». C’est le thème de Nuanda : « ne compter que sur son propre génie pour venir à bout de l’histoire, qu’il lui faut remonter à contre-sens en direction du stade premier de l’état de divinité parfaite, prétendu inaccessible, la souffrance et le martyre s’inscrivant aussi, mais non impératifs, dans les moyens d’élévation de l’Homme.
Cela peut paraître un héroïsme redoutable et orgueilleux, mais le postulat est que « la nature intrinsèque de l’Homme est bonne, donc tout élan de la Nature est bon, tout ce qui procède d’une loi naturelle est excellent puisque « Dieu » et Nature ne font qu’UN. »
Aussi, la morale druidique peut à peu près se résumer en « un amour de l’homme et une culture de ses élans qui s’interdit quoi que ce soit dans sa nature sous peine de sacrilège ».
De cette morale découle un droit, droit empirique pratiquant l’équité. C’est ce permanent souci que l’on retrouve dans la très ancienne coutume de Bretagne : « il faut aimer le justiciable et l’administré ».
Aussi, la morale celtique reposait-elle sur l’amour et la recherche de l’Harmonie perdue, et situait l’homme dans le clan et l’Univers, en tant que parcelle et condensé de I.O.W., « Dieu » selon :
- Qu’il y a trois unités primitives et de chacune il ne saurait y en avoir qu’une Seule
- Un Dieu, une Vérité, un point de Liberté
- Où se font équilibre toutes les oppositions.
Cette liberté devient donc la règle absolue du Droit Celtique sans autres limites que celle que nécessite la conservation de l’espèce et la contingence.
Dans la Pensée des Druides, quelle est la destinée de l’Homme ?
Kim Aréum nous apporte une réponse : pour le Celte, l’histoire apparaissait comme une nécessité qui devait enrichir l’Humanité. Il devait penser que l’Univers conserverait un acquis, un épanouissement au terme des temps, et que rien ne se perdrait qui avait été vécu actif, contrastant avec le tempérament indou dont Gandhi déplora les excès de négativité et de passivité. Mais, précisons-le, le livre de Caermarthen écarte formellement l’idée de fusion absolue avec l’essence première. ; la personnalité s’étant pleinement réalisée trouve un prolongement dans son œuvre, qui est elle-même une survie existentielle. Cette pensée ne rejoint-elle point les données modernes de la Cybernétique philosophique tendant à dynamiser l’ensemble des créations humaines ?
Dans le chant de Alergein, l’Homme se voir fixer par vocation de dompter l’Univers par sa connaissance, et de soumettre les « dieux ». Au terme de sa victoire, il fera régner la Loi et instaurera un paradis terrestre.
Mais contrairement à la théorie marxiste qui concevait le « paradis terrestre » comme devant être éternel par les « lendemains qui chantent », le Druide considère les œuvres de l’Histoire comme éphémères, et a toujours de nouvelles victoires à remporter.
Le principe hégélien et la dialectique marxiste posent aussi le principe que « et une thèse se voit opposer l’antithèse, la synthèse s’impose naturellement au terme de l’opposition » ; mais dans le socialisme intégral, l’antithèse n’aura plus de raison d’exister. Alors que le Celtisme concevant l’Homme comme pure expression de la Vérité qui le constitue, réalisant une théophanie, exprime le Génie Divin dans ses expressions de foi. L’Homme sincère avec sa conscience ne peut qu’exprimer le Vrai, car il est en UN, « Dieu », et Celui-ci « ni se trompe ni nous trompe ».
Donc, la béatitude absolue pour le Celte ne connaissant pas le doute est un état d’harmonie parfaite et totale avec la Nature, donc avec l’Incognoscible ; l’hindouisme d’ailleurs par une voie parallèle dans la recherche du SOI entraîne vers un total amour de Brahma comparable, l’identité de cette origine, la migration de Ram, qui conduisit Celtes et Druides vers l’Inde, la Thaïlande, et même le centre Chine, nous montre combien fut profonde l’empreinte de la Loi druidique non seulement sur l’Europe, mais sur la presque totalité du monde ancien.
L’actuelle évolution mondiale, ce monde en gestation, aux convulsions parfois brutales, n’aspire-t-il pas à ce point d’équilibre de toutes les oppositions, le Point de Liberté ?
Dans la science politique moderne, les grandes idées celtiques doivent avoir droit de cité, parce que trouvant leurs racines en l’Homme, expression du Divin Cosmique.
Aussi proposent-elles à l’heure du « Labore Solis » en vue de « Flos Florum » leur propre épanouissement par l’explication rationnelle de l’Univers considéré comme un continuum de nature unique par-delà les dimensions relatives du temps et de l’espace, excluant les mystères insolubles à l’Homme, les oppositions au naturel à un surnaturel supposé, proposant une seule et unique nature où tout s’ordonne logiquement.
Ainsi la pensée druidique contient en puissance toutes les données essentielles des diverses écoles et traditions de la Pensée Universelle. »
Prêtres de l’Intelligence du Cœur, selon le vocable de Taliésin, dans leur vérisme rationaliste avant la lettre, vécurent et vivent encore les « Samnothès » d’I.O.W., l’Absolu UN.
Or, il nous souvient il y a quelques décennies, Arthur Koetsler avait posé le problème « pour les hommes aux cheveux longs » d’une « nouvelle croisade sans croix indispensable ».
Pour réaliser cette communion des cœurs et des esprits, doivent donc revivre les « Synodes de Fraternité et d’Union », où se retrouveront, avant l’heure du Jugement, tous les modernes Chevaliers du Graal, autour de l’Indispensable Table Ronde, pour élever en commune UNION le sublime tabernacle vers ce qui meut les mondes et les gens, car le Roi Arthur n’est pas mort ! Il vit et anime, au cours du temps, l’Esprit en ceux qui se veulent « Témoins de la Vie ».
/|\Sukellos