Le Barde
Le Barde
Un nom qui s'est perdu ! Une connaissance qui s'éteint ! Une tradition de notre pays dont nous n'entendons même plus, ou presque plus, les échos !
Le Barde ! Qui est-ce ?
Défini comme poète et artiste dans toutes les traditions celtiques, il nous apparaît comme proclamateur des misères et des joies du peuple, bâtissant ses oeuvres (les "bardits") sur les splendeurs de la Nature, les vissicitudes de l'actualité, et surtout sur les connaissances des lois du Cosmos.
Il avait un rôle de premier plan dans le gouvernement des hommes; il lui était demandé conseil.
Mais le Barde est, avant tout, un homme spirituel, libre et poétique, qui va.
Sa première loi: partir, marcher, cap sur l'infini.
Partir, une poussée en avant, une poussée spirituelle, comme le navire, comme l'oiseau. Le geste médiéval par excellence, la Geste, la Quête.
Sa Quête, si nécessaire soit-elle, ne débouche sur nul bonheur, ou nulle certitude. Quérir le Graal, en sachant qu'on ne le trouvera jamais. Il n'importe pas de toucher de nos mains humaines le Trésor. Mais notre devoir est de le chercher. Nous sommes déjà dans l'éternité. Nous sommes gens de la Fête. Fête de la Vie, et Dieu préside au festin. Cette fête, cette joie qui répond au rythme divin qui anime les fleurs des champs, le vol de l'oiseau au Printemps, le ruisseau et la source.
Et de tout temps, les Bardes, même quand la vermine trouait leurs hardes, ils allaient, ces gaillards, vagabonds, par le pays, proclamer aux chênes et aux hommes les injustices des pouvoirs et les merveilles du monde. Sujets de tout temps répétés. Mais où sont ces gaillards ? Nous ! Oui !
Tout était prétexte à broderies et à chansons ... et à danser ! Oui, bien sûr, gavottes et jabadaos ! Rythmes d'allégresse et de fureur.
Il chante toute sa vie durant. Son principal souci étant d'entretenir en soi le bonheur et de le répandre autour de lui.
La démarche du Barde part de la société donnée, de la souffrance de l'homme, des difficultés de la vie journalière, pour rejoindre dans un élan fraternel et plein d'amour tous les hommes, où la morale a moins d'importance que l'Amour et où le mal est beaucoup plus une erreur de l'intelligence qu'une faute du coeur; contrairement aux idées générales, à la pseudo-universalité, où l'on ne prend pas l'homme en tant qu'individu.
Il prend sa nourriture dans l'héritage celte, dans la Tradition Druidique - la connaissance des lois universelles - mais il regarde devant lui, comme un bateau de pêcheurs, toutes voiles dehors dans le vent et taillant sa route.
Ce qu'il doit faire de plus, c'est la transfiguration, transfiguration par l'Amour, le poème, l'offrande, l'hymne, car aussi bien que le monde n'est pas fini, l'être devant nous est autre; la foule, le peuple, possède un inconscient qu'il s'agit de réveiller à la Lumière, à l'Amour.
Son premier rôle est donc de réveiller dans le coeur de chaque homme l'étincelle divine et lui montrer "la Voie, la Vérité, la Vie", le mettre sur le Chemin.
Cela aidant à transfigurer le monde avec Amour, recréer, abattre les murs du raisonnable et du limité par l'exemple dans la poésie, la chanson, à travers les obligations du riche envers le pauvre, les devoirs de l'hospitalité, les devoirs de vivre, le devoir d'aimer.
Il importe de dépasser les considérations culturelles et d'examiner jusqu'au fond une oeuvre plus subtile, plus riche et plus vraie: l'évolution spirituelle de l'homme.
Le chant de l'homme libre devra étouffer le cri du prisonnier dans son cachot afin que l'esprit communique avec l'esprit, sans entrave ...
Barde Kavour an Doue
Ar Gaël n° 72-73