De la transmission initiatique et de son respect
Un voyage en train paraît d'autant plus court qu'il se fait un livre à la main. Pour accompagner - dignement - mon dernier retour au bercail, je me suis replongé dans la littérature d'un de mes maîtres préférés depuis quasiment mon adolescence.
J'ai nommé René GUENON.
Entièrement d'accord avec lui pour affirmer que l'initiation consiste essentiellement en la transmission d'une influence spirituelle.
Il faut bien distinguer les choses, comprendre la différence entre l'enseignement, qui s'adresse à l'intellect, et la transmission spirituelle, qui agit sur le Moi profond.
L'étudiant (nous sommes tous des étudiants dans la Voie qui est la nôtre), le Disciple, le Marcassin, tous - en principe - sont avides de connaissances, de savoir, de progression (je n'ai pas encore parlé de Connaissance).
L'initiateur doit répondre à cette attente. Une fois l'intellect satisfait, le Marcassin préparé peut alors être guidé vers l'ouverture à cette fameuse influence spirituelle.
C'est le rôle du Druide enseignant.
Le pourra-t-il vraiment ? C'est-à-dire, dans tous les cas ?
Nous touchons là un point délicat. Car s'il est relativement facile d'évaluer le niveau d'acquisition des connaissances, le côté intellectuel où n'interviennent que mémoire et compréhension, il est beaucoup plus difficile - voire impossible - de connaître le degré d'évolution spirituelle de quelqu'un.
Tout simplement parce que l'humain ne peut comparer que par rapport à un système de référence lequel, dans ce cas, est son propre niveau d'évolution.
Et si nous parlons de réincarnation, ce qui est notre cas en Druidisme, nous faisons allusion à l'âme et à ses pérégrinations.
En quoi donc, sur quels critères, quelqu'un, un cheminant, un druidisant, quel que soit son grade ou son niveau atteint dans son Collège, peut-il préjuger du niveau d'évolution - ou de purification - de l'âme de quelqu'un d'autre ?
Cela laisserait plutôt pantois, non ?
Pour en revenir à GUENON, il précise que la transmission "ne peut s'effectuer que par le moyen d'une organisation traditionnelle régulière, de telle sorte qu'on ne saurait parler d'initiation en-dehors du rattachement à une telle organisation".
Soit, mais cela peut se discuter.
En revanche, il est clair qu'une relation directe s'établit entre l'initiateur et l'initié, entre le Druide et son Disciple, entre le Sanglier et son Marcassin.
Dès lors doit s'établir également une relation de confiance. Le Druide ayant déjà parcouru assez de chemin pour avoir été intronisé et reconnu dans sa fonction par son propre initiateur, c'est au Marcassin de faire ses preuves, par son travail, son courage, sa modestie, et son humilité.
Ce n'est que par le travail constant et la recherche permanente que l'on peut progresser.
Jusqu'où ? Ou jusqu'à quand, pourrait-on dire ?
Certains avancent: "J'ai lu quelque part que l'élève doit dépasser le maître".
Dans les sciences profanes, sans doute. Mais n'oublions pas que nous n'arrivons à voir plus loin que parce que nous sommes assis sur les épaules de ceux qui nous ont précédés.
Dans les arts physiques, sports, arts martiaux, certainement, car il arrive un jour où les forces s'épuisent et viennent à manquer. Mais l'esprit, dans ce dernier cas, demeure, et poursuit sa progression.
Mais dans le domaine de la Spiritualité, il en va tout autrement. Qui donc pourrait se permettre de juger celui - ou celle - qui l'a initié, guidé, intronisé ? Et, a fortiori, lui dénier toute valeur, toute qualification, toute représentativité au sens initiatique et traditionnel, cela s'entend.
Si tant est, bien entendu, que l'initiateur soit engagé, et depuis longtemps, sur le Chemin, et ait été, comme dit plus haut, régulièrement formé, initié, et intronisé dans sa fonction.
A ce propos, n'oublions pas la différence existant entre ces deux derniers termes.
L'initiation représente le début, le commencement, d'une étude ou d'un nouveau cycle d'études.
L'intronisation est la reconnaissance d'un état.
On n'est donc pas initié Druide, mais on est reconnu comme tel, et en capacité d'enseigner à son tour, et de créer sa propre Clairière.
Mais ...
Mais en capacité seulement. Car ici, comme ailleurs dans d'autres organisations initiatiques traditionnelles, l'absence de travail réel, jointe à l'orgueil, fait dévier l'élève de la voie tracée par le maître. Même intronisé Druide un jour, on demeure étudiant toute sa vie.
Qui ne progresse recule, c'est un constat bien connu.
Quelle serait donc la crédibilité de celui qui en viendrait un jour au revirement décrit plus haut ?
Ce serait autant stupéfiant que cocasse.
Stupéfiant, car quel élève peut, à ce point, juger son propre maître à l'aune de sa compréhension personnelle imparfaite donc limitée, quand il s'agit de réalisation spirituelle et de régularité initiatique ?
Cocasse, car il en reviendrait à ôter de lui-même toute valeur à la qualité, à la dignité, qui lui aurait été conférée. Et de ce fait, il lui deviendrait impossible d'enseigner, d'initier et d'introniser à son tour. C'est incontournable puisqu'il ne serait pas - ou plus - porteur d'un enseignement traditionnel reconnu dans son groupe ou par ses pairs.
Il se dévaloriserait donc à ses propres yeux - s'il était lucide - comme à ceux des autres. Et en particulier à ceux de ses Marcassins, si tant est qu'il en ait, à qui le conseil serait alors donné de le quitter, car étant une personne non respectable puisque non respectueuse, et de solliciter l'enseignement d'un autre Druide réellement digne de sa fonction.
Car si l'on va au fond des choses, une telle attitude n'est-elle pas révélatrice de l'éternelle recherche de pouvoir ?
A un tel individu, déméritant de sa qualité conférée mais non réellement comprise et qu'il aurait trahie, on ne pourrait que dire:
"Qui es-tu, toi qui juges ?"