De l'illusion
Au fil de mes nombreuses lectures, il m’arrive régulièrement de reprendre certains de mes auteurs favoris. Il est alors fréquent d’y trouver – ou plutôt d’y retrouver – des petites perles qui, bien qu’appartenant à des textes écrits il y a plusieurs dizaines d’années, pour ne pas dire davantage, sont très souvent d’une actualité saisissante.
Ainsi donc ai-je rouvert hier l’un des ouvrages de mon cher René GUENON. Mon regard s’est aussitôt arrêté, au hasard et sans recherche préalable, sur un passage faisant curieusement écho à un échange s’étant tenu la veille en réunion de Clairière. Et de ce fait, à une interrogation personnelle plus ou moins larvée depuis plusieurs semaines.
De là à parler de synchronicité …
Dans ce passage, il était donc possible de lire ce qui suit :
« Ce qui est le plus difficile, et surtout à notre époque, ce n’est certes pas d’obtenir un rattachement initiatique, ce qui peut-être n’est même parfois que trop aisé, mais c’est de trouver un instructeur vraiment qualifié, c’est-à-dire capable de remplir réellement la fonction de guide spirituel.
[ . . . ]
Ce qui aggrave encore la difficulté, c’est que ceux qui ont la prétention d’être des guides spirituels, sans être aucunement qualifiés pour jouer ce rôle, n’ont probablement jamais été aussi nombreux que de nos jours. »
Il est vrai qu’il y a, semble-t-il, foisonnement de groupes où le Chercheur en quête d’une quelconque spiritualité puisse trouver réponse à ses questionnements.
Pour ce qui concerne le Druidisme, force est de constater que ces groupes ne sont pas en nombre illimité, c’est le moins que l’on puisse dire.
Mais là comme ailleurs, et peut-être plus qu’ailleurs, on rencontre des personnes pressées, trop pressées, avides de connaissances vite acquises, sans montrer ni faire preuve de la patience nécessaire préalable à cette acquisition.
Car chacun sait que l’apprentissage est nécessairement long, et demande humilité et patience de la part de l’apprenti, et pour nous, du Marcassin.
Or, il arrive que certains d’entre eux manifestent très tôt cette impatience, cherchent à accumuler les expériences en explorant d’emblée plusieurs voies en parallèle, pensant ainsi « aller plus vite », quand ils ne tentent pas de peser sur leur Sanglier pour que son enseignement corresponde mieux à leur propre point de vue ( ! ).
Certains finissent par quitter la Clairière qui les avait accueillis au bout de quelques semaines, quelques mois, voire un an tout au plus, pensant trouver dans un autre groupe une oreille plus … compatissante.
L’ennui, c’est que ces personnes ne réalisent sans doute pas qu’un enseignement bien conçu fait passer la théorie avant la pratique, et qu’il faut bien commencer par asseoir une bonne compréhension du monde celte, de sa mythologie, de ses symboles, de certains textes, avant de passer à un domaine plus pratique.
Hé oui, en Druidisme, il faut apprendre, apprendre, apprendre …
Vingt années, disait Jules.
Bien entendu, je présente toujours un certain nombre d’exercices et d’expériences pour concrétiser et prolonger les connaissances en cours d’acquisition.
Mais le disciple impatient n’a en tête que le but à atteindre (celui qu’il s’est fixé) et non pas les moyens pour y parvenir.
Que se passe-t-il alors ?
Soit c’est le découragement, et il abandonne la voie.
Soit il cherche un autre groupe, puis un autre encore, et il y a gros à parier que le même schéma se reproduise.
Car l’impatient, l’inconstant, est toujours en proie à l’illusion. Et bien sûr, pour lui, le(s) responsable(s) de son échec, ce sera le(s) Sanglier(s).
Chacun le sait, notre voie est une voie a priori assez difficile car elle demande un travail personnel important, souscrit dans la constance et l’humilité comme déjà dit précédemment. Ceux qui la présentent aux néophytes comme étant facile et sans efforts ne peuvent que les bercer d’illusion. Mais au demeurant, ne s’illusionnent-ils pas eux-mêmes ? Sont-ils eux-mêmes en capacité d’enseigner ?
Mais l’illusion s’applique également à autre chose : à la conscience que l’on pense avoir de sa propre évolution spirituelle. Car comment mesurer son progrès spirituel ? C’est bien sûr une question importante que chacun peut se poser, mais à laquelle il sera bien difficile, sinon impossible, de répondre.
Quant à mesurer celui d’autrui …